AGIR POUR L’EAU : D’une préoccupation d’un jour à celle de tous les jours !
Mise à jour 07.05.21
AGIR POUR L’EAU : D’UNE PREOCCUPATION D’UN JOUR A CELLE DE TOUS LES JOURS !
Tribune parue dans Le Monde du 7 mai 2021
La raréfaction de l’eau, une problématique d’ampleur planétaire
Chaque 22 mars, la journée mondiale de l’eau alerte sur la pression grandissante s’exerçant sur les ressources en eau et les écosystèmes qui en dépendent. Pour l’OCDE, 40% de la population mondiale sera confrontée à des pénuries d’eau d’ici 2050 et, selon le Global Water Institute, 700 millions de personnes pourraient être déplacées à l’horizon 2030 du fait d’une pénurie d’eau !
Des prévisions toujours plus alarmantes pour la France de 2050
Les projections du rapport DRIAS de Météo France prévoient des records absolus de températures d’ici 2050, avec une augmentation des températures estivales moyennes de 6 degrés.
Une diminution de la recharge des nappes de 10 à 25% en moyenne selon les régions affectera aussi les eaux superficielles avec une baisse de 10 à 40 % du débit annuel des cours d’eau. Les sécheresses, plus précoces, réduisent déjà l’accès à l’eau potable d’un nombre croissant de communes.
Sans action décisive, le manque chronique d’eau ne trouvera plus de solution
Selon le GIEC, les plus grands effets du dérèglement du climat sont liés à l’eau : sécheresses, inondations, montée du niveau marin, tempêtes et cyclones, disparition des zones humides. Encore marquée par les crues dévastatrices survenues dans les Alpes-Maritimes, la France fait face à des périodes d’étiage plus précoces, sévères et longues et des déficits pluviométriques qui affectent la biodiversité, l’agriculture ou l’efficacité du refroidissement des réacteurs des centrales nucléaires.
La baisse de la quantité d’eau disponible génère des conflits d’usages auxquels s’ajoutent la dégradation de la qualité de l’eau.
La place de l’eau dans le projet de loi Climat et Résilience
Voté en première lecture à l’Assemblée Nationale, son examen se poursuivra au Sénat. Il représente une réelle opportunité.
Seul son article 19 fait le lien entre eau et climat en précisant la notion de « respect des équilibres naturels » issu de l’alinéa 1er de l’art L210-1 du code de l’environnement. Ainsi, la protection de l’eau, sa gestion durable doivent se faire dans le respect des équilibres naturels : infiltration de l’eau dans les nappes souterraines, protection de la biodiversité, lutte contre les pollutions et les effets du dérèglement climatique.
Cet article 19 ne remet pas en cause la pluralité des usages ou le « droit à l’eau ». Il affirme simplement comme préexistant le devoir de protéger l’eau à sa source.
Sans priorité à la protection et restauration des milieux, les usagers de l’eau n’auront plus rien à partager !
Nous saluons les amendements concernant la stratégie de gestion des ressources en eau souterraines, le positionnement de l’eau comme patrimoine commun de la nation, la compensation des surfaces imperméabilisées en imposant une part minimale de surfaces non imperméabilisées dans les PLU. Restent à confirmer les dispositions prévoyant les diagnostics et les programmes de travaux pour améliorer l’état des réseaux d’eau potable, la restauration des écosystèmes aquatiques tels que tourbières, ripisylves, mangroves ou herbiers marins dégradés et la nécessité d’un suivi de l’évolution des nappes phréatiques.
La meilleure façon de garder l’eau est de la laisser circuler et s’infiltrer, cette évidence doit nous rassembler. La restauration de la continuité écologique des cours d’eau doit être défendue. L’enjeu majeur est de protéger la ressource et l’accès à l’eau potable, seul usage à prioriser dans le droit. Tous les autres usages doivent être conciliés sur la base de connaissances scientifiques fiables.
Pour être protégés, les écosystèmes doivent faire l’objet d’une gestion équilibrée. Les Assises de l’Eau ont posé les « solutions fondées sur la nature » comme outils majeurs de protection et de restauration.
Les signataires de cette tribune, impulsée par la Députée Frédérique Tuffnell et le Président Jean Launay, représentent une force d’anticipation et d’action tournée vers de nouvelles solutions
Le Président de la République a annoncé l’augmentation des engagements financiers français en faveur du climat dans le monde. Eau et climat sont intimement liés. Mais si la question du climat est globale, celle de l’eau est éminemment locale. Un tiers des six milliards d’euros annuels d’engagements financiers français seront dévolus à des mesures pour réduire la vulnérabilité des territoires. Si les collectivités territoriales doivent renforcer la bonne gestion de leurs prélèvements et lutter contre les fuites dans leurs réseaux d’eau potable, elles doivent aussi intégrer dans leurs « plans climat » des mesures de résilience vis-à-vis des inondations, précipitations et sècheresses exceptionnelles, comprenant la réutilisation des eaux usées traitées.
Notre collectif de signataires, à l’image de Jean Jouzel affirme, avec force, la nécessité d’une cohérence entre la future Loi « Climat et Résilience » et les Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE). Ces SDAGE, actuellement en révision, doivent intégrer les prescriptions climatiques. Il faut urgemment rehausser leur ambition et moyens.
Nous suggérons aussi de revisiter la Stratégie nationale pour l’adaptation au changement climatique vielle de 15 ans, en réaffirmant l’orientation prise par les deux plans actions Climat (PNACC) de 2011 et 2018, et lui donnant un caractère législatif, comme l’a fait la loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) pour la Stratégie nationale bas-carbone. Nous souhaitons que soit instauré un mécanisme de suivi indépendant de cette Stratégie, comme cela a été fait avec la création du Haut-Conseil pour le climat.
Enfin, dans le droit fil des Assises de l’eau de 2018-2019, nous appelons le gouvernement à tenir des états généraux de l’Eau pour élaborer collectivement une stratégie de gestion durable de l’eau intégrée dans les différentes politiques publiques.
Le premier jet de cette tribune a été co-écrit par Jean Launay, l’équipe du PFE et la députée Frédérique Tuffnell. Le texte a ensuite été enrichi par les précieux amendements de plusieurs membres du PFE.
A date de sa publication, le texte a été signé par :
Acteurs de l’eau et scientifiques signataires
- Jean Launay, président du Comité national de l’eau (CNE) et du Partenariat français pour l’Eau (PFE)
- Jérôme BIGNON, Président de RAMSAR-France
- Alain BOINET, fondateur de Solidarités International
- David COLON, Délégué permanent du Comité stratégique de la filière Eau et président d’Up2Green
- Dr Philippe GOMBERT, BRGM
- Jean JOUZEL, membre du GIEC
- Dr Patrick LACHASSAGNE, Comité Français d’Hydrogéologie
- Serge LEPELTIER, ancien Ministre de l’Écologie et du développement durable
- Jean-Luc REDAUD, membre de l’Académie de l’eau
- Dr Eric SERVAT, IM2E-Institut Montpelliérain de l’Eau et de l’Environnement
- Dr Catherine THOUIN, Comité Français d’Hydrogéologie
Parlementaires signataires
- Frédérique TUFFNELL, Députée de Charente-Maritime
- Delphine BAGARRY, Députée des Alpes de Haute-Provence
- Erwan BALANANT, Député du Finistère
- Annie CHAPELIER, Députée du Gard
- Yolaine De COURSON, Députée de Côte-d’Or
- Ronan DANTEC, Sénateur de la Loire-Atlantique
- Loïc DOMBREVAL, Député des Alpes-Maritimes
- Françoise DUMAS, Députée du Gard, Membre du Partenariat Français pour l’Eau
- Frédérique DUMAS, Députée des Hauts-de-Seine
- Paula FORTEZA, Députée des Français établis hors de France
- Albane GAILLOT, Députée du Val-de-Marne
- M’jid El GUERRAB, Député des Français établis hors de France
- Yannick HAURY, Député de Loire-Atlantique
- Sandrine JOSSO, Députée de Loire-Atlantique
- Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Député du Rhône
- Anissa KHEDHER, Députée du Rhône
- Joël LABBÉ, Sénateur du Morbihan
- François-Michel LAMBERT, Député des Bouches-du-Rhône
- Sophie METTE, Députée de la Gironde
- Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT, Députée de l’Isère
- Matthieu ORPHELIN, Député du Maine-et-Loire
- Bénédicte PÉTELLE, Députée des Hauts-de-Seine
- Valérie PETIT, Députée du Nord
- Cécile RILHAC, Députée du Val-d’Oise
- Martial SADDIER, Député de Haute-Savoie
- Maina SAGE, Députée de Polynésie Française
- Rachid TEMAL, Sénateur du Val-d’Oise, Membre du Partenariat Français pour l’Eau
- Jennifer de TEMMERMAN, Députée du Nord
- Huguette TIEGNA, Députée du Lot
- Mickaël VALLET, Sénateur de Charente-Maritime
- Michèle de VAUCOULEURS, Députée des Yvelines
- Cédric VILLANI, Député de l’Essonne