La Journée mondiale de l’eau 2025 a pour thème « La préservation des glaciers ».
Mise à jour 19.03.25La parole aux membres du PFE :
Pierre-Alain Roche, co-auteur du Rapport « Risques d’origine glaciaire et périglaciaire »
« La fonte des glaciers est un phénomène permanent dont l’accélération est une résultante visible et incontestable du changement climatique.
Les glaciers de la planète ont perdu 5 % de leur volume initial entre 2000 et 2023. En dehors des calottes polaires en Antarctique et au Groenland, selon une étude du consortium de recherche GLAMBIE publiée début 2025, 273 milliards de tonnes de glace disparaissent chaque année. Ces données alimenteront le prochain rapport du GIEC en 2029.
En 25 ans, cette fonte est très variable selon les régions, allant de 2 % du volume des glaciers dans les zones subantarctiques à 39 % en Europe centrale et 40 % dans les Alpes et Pyrénées. Bien que nos glaciers soient de taille modeste (de l’ordre de 220 km2), nous sommes en France et avec nos très proches voisins suisses (1000 km2) et italiens (350 km2) aux premières loges de ces évolutions spectaculaires (les glaciers français perdent de l’ordre d’1,5m d’équivalent eau liquide par an actuellement. La mer de Glace, dans le massif du Mont Blanc, plus grand glacier français, qui a reculé de 0.8 km entre 1958 et 2012 pourrait reculer d’ici 2040 de 1.0km en climat constant et de 1.2 km avec un scénario de réchauffement (+4°C en 2100).
Le régime des cours d’eau à régime glaciaires ou nivo-glaciaires et les bilans saisonniers des bassins-versants en sont et en seront modifiés dans les prochaines décennies. De façon générale, la perte d’un stockage saisonnier et pluriannuel voire pluriséculaire d’eau sous forme solide remobilisée pour partie durant la période de réchauffement saisonnier (printemps) conduit à augmenter les débits hivernaux et réduire les débits estivaux : c’est donc une sévérisation des étiages de ces cours d’eau à laquelle il faut se préparer.
Les zones montagneuses en pergélisol (permafrost en anglais), notamment les glaciers rocheux (débris de roche cimentés par la glace) et les parois nord des montagnes (partie du sol dont la température se maintient en dessous de 0°C pendant plus de deux ans consécutifs) connaissent aussi des évolutions profondes et rapides, même si elles sont moins aisément quantifiées à l’échelle planétaire. En France elles représenteraient une surface de l’ordre de 700 km2, soit environ 10 % des territoires situées à une altitude au-dessus de 2000m.
Les glaciers ont une dynamique permanente sous l’action de la pesanteur : ils se chargent en amont et de démantèlent à leur front. Certains sont qualifiés de froids, c’est-à-dire que la glace est très froide au contact de la roche et y adhère fortement. Le réchauffement peut conduire à les transformer en glaciers tempérés, où le profil de température permet la formation d’un film d’eau à l’interface sol-roche qui réduit très fortement la force de friction qui retient la glace. D’autres phénomènes se développent également en lien avec la présence accrue d’eau liquide : lacs supraglaciaires, visibles à la surface, ou poches d’eau situées à des profondeurs plus ou moins grandes. Ces stocks liquides retenus par la glace peuvent voir les barrières de glace qui les retiennent céder brutalement.
Quand de la glace ou de l’eau sont ainsi larguées en altitude, sur des parois généralement en forte pente, elles arrachent et entraînent jusqu’à 10 fois leur propre volume, formant des mélanges proches des laves torrentielles.
Pour circonscrits que soient ces phénomènes à des massifs particuliers, ils méritent un suivi et un diagnostic permanent qui reposent sur la mobilisation de fortes innovations instrumentales.
Une illustration de plus que vouloir ignorer la connaissance du changement climatique est suicidaire et qu’il faut, au plan international, européen et français, combattre le déni de réalité et renforcer les systèmes de connaissance. «
Pour en savoir plus :
- GIEC : une erreur manifeste dans les publications de 2007 qui évoquaient l’hypothèse de la fonte complète de glaces himalayennes a été corrigée dans les rapports plus récents.
- Consortium de recherche GLaMBIE : site et publication The GlaMBIE Team. Community estimate of global glacier mass changes from 2000 to 2023. Nature 639, 382–388 (2025).
- Explore 2 : impacts du changement climatique sur la ressource en eau à horizon 2100. Présentations générales ici . Rapports techniques ici.
- Francou B. et Vincent C., 2015. Quoi de neuf sur la planète blanche. Glénat, France.
- Bard A., Renard B., Lang M., 2012. Tendances observées sur les régimes hydrologiques de l’arc alpin. La Houille blanche, 1, 38-43.
- Naaim-Bouvet F. et Richard D., dir., 2015. « Risques naturels en montagne ». Éditions Quae, Paris, 392 p., ISBN : 978-2-7592-2386- 2
- OECD, 2007. Climate change in the European Alps, adapting winter tourism and natural hazard management, Shardul Agrawal, Editor (version française citée par ailleurs dans le rapport) » Pierre-Alain Roche, co-auteur du Rapport « Risques d’origine glaciaire et périglaciaire »
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