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Interview : Les Membres du PFE à l’honneur

Mise à jour 22.07.20

 

Portrait de l’Association La Goutte d’Ô. Interview avec Serge MIQUEL, président de l’association.

  • PFE : Pourriez-vous décrire l’Association La Goutte d’Ô en une phrase ?

Serge MIQUEL : L’Association La Goutte d’Ô est une petite association qui a été créée en 2017 dont l’objectif est d’intervenir par une mise en synergie des acteurs au sein des réseaux (du niveau local au niveau international) pour un meilleur partage des défis dans le domaine de l’accès à l’eau pour tous et de la biodiversité.

Nous nous appuyons sur nos partenaires, dont l’Académie de l’Eau, le PFE, l’Institut Méditerranéen de l’Eau. L’Association est membre du Conseil Mondial de l’Eau.

  • PFE : En quoi l’Association la Goutte d’Ô se différencie-t-elle des autres structures du domaine de l’eau ?

S.M. : La Goutte d’Ô s’appuie sur des acteurs publics. Ils sont capables de porter des politiques d’accès à l’eau avec à la fois des stratégies et des financements. Nous faisons le lien entre ces envies de faire de la coopération et les demandes locales qui sont dans différents pays comme le Maroc, la Tunisie, l’Algérie notamment. La Goutte d’Ô ne fait pas que du plaidoyer sur l’eau, elle mène des actions concrètes. Les collectivités amènent des solutions pratiques. Elles ont l’expérience des solutions pratiques et de la gouvernance territoriale à bonne échelle. Les collectivités sont de vrais acteurs pratiques de la mise en œuvre des politiques sur l’eau. La Goutte d’Ô est à la fois force de propositions pour solliciter des collectivités françaises et leur bras armé pour avancer. Nous recherchons l’efficacité.               

  • Quelle est la place de la biodiversité dans les axes de travail de La Goutte d’Ô ?

S.M. : Vous savez, moi j’ai toujours été un homme de l’eau. Il y a une dizaine d’années j’ai compris que le volet de la biodiversité était très important par sa transversalité. La biodiversité regroupe des synergies permettant de faire changer les choses sur la face du monde. Cette perception très personnelle je l’ai transmise à La Goutte d’Ô et la biodiversité est devenue notre leitmotiv, à côté de celui de l’eau. Nos deux domaines d’interventions sont donc l’eau et la biodiversité.

La Goutte d’Ô travaille sur trois sujets essentiels sur la biodiversité, autour des zones humides qui ont une posture importante dans ce domaine.

D’abord par une approche de la gestion globale des zones humides au niveau des lagunes méditerranéennes de notre département. Ce principe permet de rattacher ces zones humides de façon cohérente aux bassins versants et de fait de pouvoir instaurer une gouvernance pertinente, qui facilite les relations, la gestion, les actions de co-développement et la préservation de l’environnement.

Au travers de nos zones humides de l’Hérault nous avons pu, avec La Goutte d’Ô, accompagner le Syndicat du Bassin de l’or avec un partenaire marocain (la Commune de Moulahay Bousselham) sur la lagune de Merja Zerga. Bien qu’elle soit une zone humide classée Ramsar, cette lagune se heurte à l’absence de gouvernance dans cette zone. La Goutte d’Ô assure le lien entre l’approche française du Syndicat du Bassin de l’Or et l’approche marocaine de la lagune de Merja Zerga. On s’est rendus compte que même si le Maroc a des lois qui s’apparentent à celles du modèle français sur la gestion globale de l’eau, dans les zones de transition eaux douces – eaux salées, comme c’est le cas pour la Merja Zerga, la gouvernance ne peut pas s’installer, faute de lois ou de règlementations spécifiques sur ce type de zone lagunaire. Nous avons donc en face de nous, comme un peu avant notre décentralisation, des grandes administrations qui gèrent leurs zones humides de manière thématique, chacune avec son propre règlement et sans une gouvernance globale. La Goutte d’Ô a réuni tous ces partenaires marocains (Gouverneur, instances ministérielles locales et régionales etc.) pour les amener progressivement à partager ensembles les enjeux de préservation, de co-développement et de promotion de ces territoires fragiles.

C’était le but du séminaire international de Kenitra, sur la lagune de Merja Zerga, que La Goutte d’Ô a coorganisé en 2019 pour montrer aux partenaires marocains les problématiques liées aux zones humides. Ils ont pu écouter les témoignages des intervenants internationaux de haut niveau, notamment français et espagnols, qui ont l’expertise et l’expérience pratique de co-gestion des zones humides.

On s’est rendus compte que ce problème des zones humides existe dans le monde entier. Ce n’est pas parce qu’on a un référencement RAMSAR que les choses avancent automatiquement. Le référencement RAMSAR est certes une bonne base, mais pas suffisante ! Il faut arrêter de se lamenter sur ces zones-là, il faut provoquer l’action et conduire des opérations concertées. C’est pour cela que lors du séminaire de Kenitra, avec Monsieur le Gouverneur  nous avons collégialement proposé deux axes qui ont été acceptés : qu’on établisse une une feuille de route qui explique toutes les attentes nécessaires pour préserver les zones humides et surtout pouvoir agir. C’est la Déclaration de Kenitra, avec l’installation du Réseau international des zones humides, que nous avons appelé Alzyma. C’est le deuxième volet de nos actions dans le domaine de la biodiversité.

Pour l’histoire, Alzyma c’est le nom de la barque qui existait en Mésopotamie, il y a 4000 ans et qui symbolise les échanges entre les membres du Réseau Alzyma. La Mésopotamie recèle des richesses considérables sur la biodiversité, malheureusement mise à mal sous le régime de Saddam Hussein. Ces zones du sud irakien, constituent aussi un centre d’intérêt et d’action pour notre association, au sein du Réseau Alzyma. C’est le but même de ce Réseau.

La première étape a été Kenitra et actuellement je travaille avec des espagnols de Guadalquivir pour préparer la deuxième Conférence sur le Réseau Alzyma, qui devrait avoir lieu normalement en octobre 2020 à Séville. Pour l’instant elle est maintenue, nous allons voir si nous allons pouvoir la réaliser au vue de la crise sanitaire actuelle. Ce sera avec la région de l’Andalousie, avec la Confédération hydrographique du Guadalquivir. Le but c’est le même qu’à Kenitra : trouver ensemble des solutions et les mettre en application.

  • Et en France ?

S.M. : Il s’agit d’identifier comment les acteurs locaux peuvent mieux connaitre la biodiversité et comment ils peuvent s’investir.

Avec La Goutte d’Ô nous avons créé une action en 2019 qui s’appelle « Sport, Nature et Biodiversité en Zone Natura 2000 ». L’idée c’était de mieux faire connaitre ces sites au grand public. Nous avons ciblé des adultes et des enfants qui pratiquent des sports dans la nature : du VTT, de l’athlétisme ou du « trail » pour ceux qui marchent près des lagunes. Nous avons l’avantage chez nous d’avoir au Nord la garrigue et la zone sèche, et des zones humides à l’aval. Nous avons organisé un événement par équipes de cinq personnes adultes/enfants avec VTT et course à pied. Ils sont partis du site de la zone boisée en bordure des étangs Natura 2000 pour un parcours ludique, avec un jeu de fléchage dans le Bois des Aresquiers. Cela leur a permis de mieux connaitre les espèces d’oiseaux et de s’intégrer dans ces sites Natura 2000. Ils ont répondu à des questionnaires, dans le bois mais aussi sur le parcours et au retour du site où nous avons installé une exposition sur les zones humides et remis des récompenses.

La prochaine édition aura lieu en novembre 2020. Nous avons obtenu le soutien du Conseil Départemental de l’Hérault, de la Région Occitanie et de la Mairie de Mireval. L’idée est d’avoir des manifestations sur la biodiversité à la fois au niveau local et international et d’apporter non seulement du lien mais aussi des solutions, pour pouvoir avancer et régler les problèmes. Il faut provoquer l’événement et non pas organiser juste des réunions où chacun rentre chez soi de son côté.   

  • Dans le contexte actuel, quels sont les défis de l’association ? J’imagine que vous avez dû réorganiser certains événements et actions. Quel impact sur vos priorités et vos projets ?

S.M. : Notre priorité est de pouvoir continuer notre projet sur la lagune de la Merja Zarga. Nous avons prévu d’organiser une réunion de travail avec M. le Gouverneur et l’ensemble des acteurs qui ont produit des études pour les mettre sur table. Nous n’avons pas pu le faire à cause du confinement. Il faudra aussi expliquer aux partenaires marocains qu’il y a une méthodologie de partage de l’information et d’organisation qu’il faut mettre ensemble. J’ai aussi prévu d’assurer, avec une société de Montpellier, une formation pédagogique sur les méthodes de management et de partage de l’information autour des zones conflictuelles. Cela va permettre de consolider le partage d’information avec une vision globale et mutualiste de la préservation de la Merja Zarga.

Un autre projet est celui de la conférence de Séville. J’y étais allé avant le confinement pour notre première réunion. On est rentrés d’Espagne juste avant la fermeture des frontières. Nous aurions dû avoir la deuxième réunion, cela n’a pas pu avoir lieu.

Une autre priorité pour nous est la réutilisation des eaux traitées. Je suis en relation avec le Maire d’Ajim sur l’île de Djerba. C’est une petite ville de 25 000 habitants qui se trouve sur la face opposée aux hôtels de 5 ou 6 étoiles. La ressource en eau est très fragile à Djerba, et vous avez d’un côté de l’île les grands complexes touristiques et de l’autre côté une agriculture pauvre parce qu’il n’y a pas d’eau. Ils ont construit une station d’épuration il y a 3 ans. J’ai donc proposé un projet de réutilisation des eaux usées traitées pour le monde de l’agriculture sur cette partie de l’île de Djerba. Le maire est d’accord, j’ai préparé un projet qui a été soumis au Conseil Régional de l’Occitanie pour réfléchir au bien-fondé et obtenir un financement. Nous sommes en attente de la réponse du Conseil régional pour commencer le travail. Le projet est très important et la question de la réutilisation des eaux usées est une solution promue par la FAO et récemment confortée par l’Union Européenne. Les enjeux sont immenses et ce type de projets est très complexe d’un point de vue technique, social, économique. Il ne faut pas se tromper et l’étape de l’étude de la faisabilité est cruciale. Certains se lancent directement dans les investissements. Les risques sont pour moi trop importants et il est important d’explorer la faisabilité avant d’engager l’argent public.

  • L’Association La Goutte d’Ô est membre du PFE. Comment est venue la décision de ce partenariat ?

S.M. : Avec le PFE c’est une longue histoire. Il y a une quinzaine d’années, lorsque j’étais à la direction de l’Eau et de l’Environnement du Conseil général de l’Hérault, j’avais suscité et accompagné l’adhésion au PFE. J’ai aussi connu le PFE lors d’événements tels que le Forum d’Istanbul. Avec le Conseil Général on avait établi un partenariat avec le PFE pour y animer des événements. Créateur de La Goutte d’Ô, cela m’a paru à la fois important, intéressant et utile de travailler avec le PFE.

  • Qu’est-ce que ce partenariat avec le PFE a apporté concrètement à votre association ?

S.M. : Premièrement le travail de fond du PFE, sur lequel je m’appuie. Les thèmes et les domaines couverts par le PFE mais aussi le positionnement du PFE sont en harmonie avec la Goutte d’Ô. Le PFE met en place des organisations, des workshops, des événements, monte des équipes de travail spécifiques sur des sujets comme l’adaptation au changement climatique, la GIRE ou l’accès à l’eau pour tous… Le PFE a un support de travail professionnel avec des experts qui nous est très utile : ce n’est pas la peine d’inventer des positionnements et des réflexions alors que le PFE a déjà fait un travail considérable là-dessus.

Tout aussi essentiel est que le PFE regroupe tout un panel de partenaires très pertinents de la sphère de l’eau et de l’environnement. Et le troisième aspect c’est un lien supplémentaire avec le Conseil Mondial de l’Eau qui organise les Forums Mondiaux de l’eau tous les 3 ans. Le PFE est historiquement toujours très actif dans la préparation de la présence française aux Forums.

Pour ces trois raisons le PFE est très utile à notre association et ce que vous faites se démarque, on ne le retrouve pas ailleurs. Le PFE c’est le positionnement français et personnellement j’apprécie! C’est le référentiel eau qui nous fait du bien !